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Stupéfiant
15 octobre 2007

Un combat

Il y a un tout juste un an, ma femme a commencé à souffrir de maux de têtes. Sourds, persistants. Ils passaient avec la combinaison paracétamol + ibuprofène, mais revenaient sans cesse. Quand elle a consulté au bout d'une semaine, le médecin n'a rien trouvé.

L'image que vous renvoie le visage d'un médecin qui doute est effrayante. Ces médecins, qu'on trouve si sûrs d'eux, trop même, paternalistes parfois. Là non. Le médecin doutait. Alors le médecin a prescrit un scanner cérébral.

Il n'est pas facile d'obtenir rapidement un rendez-vous en Ile de France pour un scanner, surtout à ce stade, celui du diagnostic. Il y a toujours plus urgent qu'un diagnostic. A force d'appels dans les divers établissements, elle a réussi à obtenir un rendez-vous une semaine après. Une aubaine.

Mais une semaine, c'est long. La plus longue semaine de notre vie je pense. L'imagination se met en route très facilement. Et si elle avait une tumeur, et si... Je pense à elle et les mois de traitement difficiles. Et je pense à moi dans un "après", le plus pessimiste, avec mon fils âgé de six mois à l'époque. Nous deux seuls, sans sa mère, sans ma femme. Je n'ai même pas trente ans, et j'élève déjà mon fils seul. Une semaine de nuits sans sommeil. Une semaine totalement improductive au travail, où je passe mon temps à faire des recherches sur internet, tout en sachant qu'internet est bien le dernier endroit où un patient devrait faire des recherches sur des sujets médicaux. Je trouve des articles, des messages dans des fora, un blog...

Le jour J arrive. Ma femme a acheté sa dose d'Iopamiron, un opacifiant. Nous arrivons à l'hôpital, on enregistre son dossier. Il y a un peu de retard, l'attente est longue. On l'appelle, j'entre avec elle, mais je ne peux pas l'accompagner dans la salle pour ne pas m'exposer. Je reste derrière une vitre plombée et je la vois s'allonger dans le scanner. Il y a le bruit aussi, et puis le laser de visée sur son front. Et puis c'est fini. Finalement, elle n'a pas eu besoin du Iopamiron. Pourquoi n'en a-t-elle pas eu besoin ? La tache est-elle déjà si visible, le diagnostic est-il si évident qu'il n'y a pas besoin d'opacifier l'image ?

Le radiologue nous reçoit immédiatement après. Il aligne les coupes sur son écran, et je vois qu'il n'y a rien. Rien sur le cerveau, là où je m'attendais à voir une tache. Rien sur le cerveau, mais quelque chose dans l'un des sinus frontaux. Une méchante sinusite carabinée, à côté de laquelle le médecin est passé malgré son examen attentif. Soulagement.

Maintenant, je ne peux m'empêcher de me demander ce qui ce serait passé s'il y avait eu une tache. Rien, probablement : nous aurions continué notre vie, elle aurait changé, c'est tout. Le traitement, le repos, et continuer à vivre. Apprécier la vie, même. Faut-il qu'une menace pèse sur notre vie pour que nous l'appréciions ? C'est la réflexion que nous livre Danaée dans son billet. J'ai découvert le blog de Danaé il y a un an, alors que je faisais des recherches sur les tumeurs cérébrales. Je me disais qu'il était fort probable qu'une personne tienne un journal à ce sujet, et j'ai vu juste. J'ai trouvé un journal, et pas n'importe quel journal : un beau journal. L'auteure* est une "littéraire", une amoureuse de l'écriture. Elle aime lire, et elle aime écrire. Pas seulement son blog : Danaée est une écrivaine*. Elle raconte d'ailleurs dans un second blog une autre aventure : l'écriture du roman, la relecture, les corrections, la lecture par les tiers et l'envoi aux maisons d'édition. Une écriture sur l'écriture dans une belle écriture.

Un lien entre les deux ? Une ironie : celle qui veut que la tumeur de Danaée soit située dans le lobe temporal gauche, partie du cerveau qui gère le langage. Une menace, mais aussi un catalyseur de l'écriture : au final, on a deux blogs qui débordent de vie.

* Danaée est Québécoise, donc auteure et écrivaine. En France, elle serait auteur et écrivain.

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Post scriptum (19/12/2007) Dans ce billet daté du 15 décembre, Danaée nous annonce qu'un éditeur a accepté son manuscrit, avec signature du contrat en janvier. Joyeux Noël !

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